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Jul 03, 2023

Des excuses aux communautés autochtones déclenchent une refonte de la santé mentale

La colonisation a créé un traumatisme durable dans les communautés autochtones. Certains psychologues ont testé si aider les gens à renouer avec la culture pouvait favoriser la guérison. Ici, des jeunes autochtones écorchent un orignal dans le cadre d'un camp de chasse en Alberta, au Canada.

Stéphanie Tipple

Par Sujata Gupta

25 août 2023 à 8h00

Plus tôt cette année, la principale association de psychologie aux États-Unis a présenté ses excuses aux peuples et communautés autochtones du pays pour avoir soutenu directement et indirectement des siècles d'efforts d'assimilation abusifs. Ces efforts consistaient notamment à chasser les peuples autochtones de leurs terres et à séparer les enfants de leurs familles pour les placer dans des internats.

Les dommages causés par ces pratiques aux communautés autochtones perdurent, a reconnu l’American Psychological Association dans un rapport publié en février. Par exemple, des diagnostics et des traitements de santé mentale culturellement inappropriés ont exacerbé les taux déjà disproportionnellement élevés de maladie mentale, de maladie chronique, d'incarcération et de suicide dans les communautés autochtones.

En chiffres, les Amérindiens et les autochtones de l’Alaska signalent une détresse psychologique grave 2,5 fois plus souvent que les membres de la population en général. Ils sont presque cinq fois plus susceptibles de mourir d’une intoxication alcoolique que la population générale. Et ils ont le taux de suicide le plus élevé de tous les groupes minoritaires du pays.

L’APA s’est également engagée à connaître et à valoriser les approches de soins culturellement appropriées à l’avenir. « Les psychologues travaillant avec des clients autochtones doivent respecter, honorer et inclure les stratégies de guérison autochtones », peut-on lire dans un point. « Les psychologues doivent se renseigner sur les méthodologies de recherche développées par et pour les populations autochtones », lit-on dans un autre. Les dirigeants de l'APA ont également présenté des excuses en personne lors de la réunion annuelle de juin de la Society of Indian Psychologists à Logan, Utah, et de nouveau en août lors de la convention de l'APA à Washington, DC.

Ces excuses honorent les efforts de longue date, souvent sous-estimés, des chercheurs autochtones et autres travaillant avec les communautés autochtones. Ces dernières années, le Canada et l'Australie ont présenté des excuses similaires aux populations autochtones de leur pays. De telles excuses ouvrent la voie à des changements profonds dans la pensée et le traitement qui sont nécessaires pour aider les communautés autochtones à guérir, affirment les chercheurs impliqués dans ces travaux.

Ces chercheurs ancrent la guérison dans les visions autochtones du monde qui privilégient l’harmonie entre les gens et la planète. Et ils reconnaissent le rôle puissant que joue l’histoire dans l’évolution de la santé et du bien-être. La psychologie autochtone consiste à « examiner la personne dans sa globalité — le mental, le physique, le spirituel, l'émotionnel — dans le contexte de la colonisation », explique Suzanne Stewart, psychologue à l'Université de Toronto et membre de la Première Nation des Dénés de Yellowknife à Toronto. Canada.

Plus précisément, de nombreux traitements centrés sur les Autochtones intègrent des pratiques traditionnelles, telles que la fabrication d’objets artisanaux à partir de matériaux locaux, la collecte d’herbes médicinales et la participation à des rituels. À la base de ces programmes se trouve l’idée selon laquelle si le traumatisme historique de la colonisation est le problème, alors la revitalisation culturelle pourrait être la solution.

Cette approche de la culture en tant que traitement représente un écart marqué par rapport aux approches occidentales en matière de soins, qui minimisent souvent le contexte historique et culturel. Il est également difficile d’évaluer le succès de ces méthodes à l’aide de mesures typiques de la médecine occidentale. Les chercheurs travaillant en psychologie autochtone mesurent donc l’efficacité de ces programmes au moyen de méthodes qualitatives et culturellement appropriées, telles que des récits détaillés à la première personne.

Des excuses comme celles de l'APA marquent un pas en avant important, déclare la psychologue Karlee Fellner de l'Université de Calgary au Canada et citoyenne de la nation métisse de l'Alberta. Mais Feller se demande si l’establishment scientifique peut accepter un écart aussi radical par rapport aux soins et à la recherche comme d’habitude ? "C'est le point d'interrogation."

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